Le lieu

Le lieu

Pour son développement, NooToos utilise les espaces de l’église Saint-Pierre le Vieux,
un lieu classé situé dans le cœur historique de la ville de Strasbourg.

Et voici son histoire qui nous est contée par Jean-François Kovar.

20170717-6Selon une tradition ancienne rapportée au 14e siècle par le chroniqueur Jacques Twinger de Koenigshoffen, Saint-Pierre-le-Vieux serait l’un des premiers édifices cultuels chrétiens de Strasbourg. Si un modeste sanctuaire est probablement édifié au mitan du 4e siècle par saint Amand, il faut attendre 1132 pour relever la mention d’une église qui est incorporée à l’enceinte fortifiée de Strasbourg à la toute fin du 12esiècle. Elle abrite les reliques des saintes Einbeth, Wilbeth et Vorbeth. Elevée au statut paroissial en 1227, elle est agrandie au lendemain de l’épidémie de peste de 1381. Certains des vitraux qui ornaient jusqu’alors la nef sont visibles au musée de l’œuvre Notre-Dame.

 Le 21 mai 1398, en accord avec le Magistrat de Strasbourg, l’évêque Guillaume II de Diest renonce à ses droits sur l’église Saint-Pierre-le-Vieux. Il y autorise le transfert du Chapitre collégial Saint-Michel de Honau-Rhinau et la translation des reliques de saint Amand, le premier évêque de Strasbourg. Les chanoines la dotent d’un chœur gothique achevé vers 1460 par Jost Dotzinger de Worms, maître d’œuvre de la Cathédrale Notre-Dame depuis 1452. Il était décoré de deux tapisseries aujourd’hui disparues qui représentaient cinq épisodes de la vie de saint Amand et de remarquables vitraux attribués à Pierre d’Andlau. En 1501, le chœur est encore valorisé par un retable du sculpteur alsacien Veit Wagner. Il n’en subsiste plus que quatre panneaux conservés dans le bras oriental du transept de l’église catholique. Le maître-autel qu’il ornait a été détruit en 1749.

Ces travaux sont complétés par l’aménagement de la chapelle Sainte Einbeth – ancienne sacristie située à gauche de l’entrée – dont le mécène, le chanoine Henri de Kirchberg, décédé en 1496 est inhumé à sa porte. Son épitaphe est encore visible.

Séparant le chœur et la nef, le jubé est achevé au tournant du 16e siècle. Il se compose de huit travées couvertes de croisées d’ogives dont les clefs circulaires portent les symboles suivants :

  • la main de Dieu nimbée et bénissant

  • le tétramorphe : représentation allégorique des quatre évangélistes (l’homme ou l’ange pour Matthieu, le lion pour Marc, le taureau pour Luc et l’aigle pour Jean)

  • l’Agnus Dei nimbé portant un étendard

  • une demi-marguerite

 

Six pierres tombales posées à même le sol du jubé évoquent l’enfeu qui est fréquemment pratiqué jusqu’à la Renaissance. Il consiste en l’inhumation à l’intérieur du lieu de culte. A l’arrière du jubé est visible l’emplacement d’un lavabo destiné à la vaisselle liturgique. Il convient aussi de mentionner la galerie supérieure qui permettait la proclamation de l’Evangile.

Directement à côté de l’église en direction de la place Saint-Pierre-le-Vieux, un cloître de quatre travées est érigé entre 1505 et 1509. En 1914, il est victime des travaux d’aménagement de la Grande Percée qui transforme l’urbanisme du centre de Strasbourg.

Proclamée à Strasbourg en 1529, la Réforme suspend la pratique des offices capitulaires. Saint-Pierre-le-Vieux est alors le théâtre du premier iconoclasme protestant. Le pasteur Thiébaut Schwartz procède à la destruction des autels et des représentations hagiographiques. Il recouvre de badigeon les peintures murales dont certaines sont restituées lors de travaux de restauration effectués en 2002.

En 1550, en vertu des dispositions de l’Intérim imposé par l’empereur Charles Quint, l’église est restituée au culte catholique. Les chanoines de Honau-Rhinau reprennent leur liturgie qu’ils abandonnent de leur propre volonté en 1560. Saint-Pierre-le-Vieux est entièrement affecté à la tradition luthérienne qui s’impose alors à Strasbourg. La paroisse protestante abandonne le chœur qui n’est réemployé qu’en 1683 au moment où un décret de Louis XIV stipule son attribution aux catholiques. Les chanoines récupèrent l’abside de l’église catholique fermée par une grille. La nef demeure acquise à la paroisse protestante.

L’acte royal impose également d’emmurer les grandes ouvertures pratiquées dans le pignon séparant les deux corps de l’édifice ecclésial. En 1788, les chanoines demandent la destruction de ce mur pour que la nef puisse servir simultanément aux deux confessions catholique et protestante. Cependant, les tourments révolutionnaires entraînent l’abandon de ce projet. Cette séparation est finalement ouverte par une porte inaugurée le 12 octobre 2012. Elle est un signe tangible du dialogue œcuménique.

L’aménagement intérieur de l’église protestante est complété par une tribune réalisée entre 1607 et 1616. En 1727, elle est décorée de tableaux représentants des scènes bibliques. Ils témoignent – à l’instar de l’église Saint-Matthieu de Colmar – de la réintégration de l’iconographie protestante au Siècle des Lumières dans un projet résolument catéchétique. Ils représentent du sud à l’ouest :

(Illustrations : les tableaux de la tribune) 

 Sur la partie occidentale de la tribune, au rang inférieur, sont proposés trois épisodes majeurs du cycle christique :

  • L’annonce de la naissance de Jésus à Marie
  • La crucifixion
  • La résurrection
  • L’ascension

 A l’arrière de la tribune, en haut du mur méridional, sont visibles deux autres tableaux représentants la Cène et une séquence de l’Apocalypse (7, 9-17) : la foule innombrable devant le trône divin.

 Les deux églises paroissiales sont fermées au culte durant la Terreur entre 1793 et 1795. Elles servent alors de dépôts de viandes pour les troupes. Cette nouvelle affectation favorise la dégradation de l’édifice.

 Confronté à l’accroissement de la démographie catholique, le Conseil municipal de Strasbourg présidé par le maire Théodore Humann adopte le 18 novembre 1865 le principe de l’agrandissement du chœur médiéval. Il ne pouvait contenir que cinq cents fidèles alors que la paroisse en comptait dix fois plus.

Le chantier est confié à l’architecte municipal Jean-Geoffroy Conrath. Il oriente la nef à la perpendiculaire du chœur qui est démoli. Son emplacement sert de transept au nouvel édifice. La première pierre est posée par Mgr André Raess, évêque de Strasbourg le 16 juin 1867. L’église catholique Saint-Pierre-le-Vieux est consacrée par l’évêque auxiliaire Mgr Charles Marbach le 29 octobre 1871.

Aux prémices du 20e siècle, un réaménagement est rendu nécessaire par le tracé de la Grande Percée initiée par le maire Rudolf Schwander en 1908. Cette vaste et profonde artère urbaine relie le quartier de la Gare à celui du Neudorf. Elle favorise la circulation et une certaine respiration urbanistique dans l’ellipse insulaire. Les travaux s’effectuent en deux phases. Entre 1914 et 1916, deux travées sont supprimées. De 1919 à 1923, une nouvelle façade est érigée selon les plans des architectes Fritz Beblo, Clément Dauchy et Paul Dopff.

Revenons maintenant à l’église protestante Saint-Pierre-le-Vieux pour y apprécier quelques éléments complémentaires de sa décoration :

  • La chaire et l’autel de facture néo-gothique sont offerts par le Temple-Neuf. Ils rappellent que les fidèles de cette illustre paroisse protestante du cœur de Strasbourg célèbrent ici le culte entre 1870 et 1877. Leur église est en effet détruite lors du bombardement allemand de la nuit du 24 au 25 août 1870 au moment du siège de la capitale alsacienne durant de la guerre franco-prussienne.

  • Sous la tribune, sur le mur méridional, une peinture murale représente la messe de saint Grégoire. Datée de la seconde moitié du 12e siècle, elle relate l’apparition du Christ à l’instant de la célébration de la messe par le pape Grégoire 1er le Grand en la basilique Saint-Pierre de Rome, après qu’un servant d’autel est douté de la présence de la sainte Communion dans le pain et le vin. Semblant surgir d’une crypte, le Christ apparaît ici comme l’homme des douleurs entouré des instruments de la Passion. Cette peinture présente des traces estompées de polychromie.

  • Sur le mur septentrional est posé le retable en bois sculpté figurant la Vierge, sainte Anne et l’Enfant. Réalisée vers 1520, cette « sainte parenté » est une oeuvre du maître allemand Hans Weiditz le Jeune originaire de Freiburg im Breisgau. C’est une création significative de l’art rhénan des derniers temps de l’époque médiévale.

  • A l’arrière de la galerie du jubé une remarquable peinture murale des années 1430 est attribuée à l’artiste bâlois, Hermann Schadeberg établi à Strasbourg durant le premier tiers du 15e siècle. Il serait également l’auteur des cartons du vitrail de l’Adoration des Mages de la cathédrale qui ont d’ailleurs probablement influencé la composition de la peinture murale de Saint-Pierre-le-Vieux. A l’origine, cette oeuvre magistrale aujourd’hui lacunaire ornait un autel situé sur le jubé.

  • Les vitraux modernes remplacent ceux détruits durant les bombardements américains qui affectent Strasbourg au cours de la Seconde Guerre mondiale. Ils sont créés en 1958 par le maître verrier strasbourgeois Vladimir Bischoff sur des cartons de Françoise Mosser Cardon.

  • Enfin, l’orgue réalisé en 1898 est l’œuvre du facteur allemand Eberhard Friedrich Walcker. Il remplace un instrument Silbermann confectionné en 1709 et intègre les vestiges du buffet de l’ébéniste Andreas Bender dont il ne subsiste que la partie supérieure de la façade. En 1958 Ernest Muhleisen lui adjoint quatre jeux supplémentaires.